Emploi et travail des femmes dans la crise

, par Claire

Comme nous le savons, la crise a eu des conséquences négatives sur la participation de tous au marché du travail et sur les conditions de l’emploi d’une manière générale. Le cas des femmes dans ce contexte est un cas bien spécifique. Certes, dans un premier temps, elles ont été moins impactées par la crise en termes d’emploi, les secteurs les plus touchés étant l’industrie, la construction. Mais les femmes sont aujourd’hui bel et bien touchées par la crise, notamment parce qu’elles sont plus exposées à la précarité et au sous-emploi.

1. État des lieux

Depuis le début de la crise, le taux d’emploi des femmes n’a que très peu baissé, passant de 47,7% en 2008 à 47,2% en 2011 (chiffres INSEE). Toutefois, conséquence d’une baisse du taux d’emploi masculin parallèlement à une très légère hausse du taux d’emploi féminin entre 2000 et 2010, l’écart entre les femmes et les hommes du taux d’emploi a diminué, passant de 14 à 8,4 points.

Concernant le taux de chômage féminin, il connait de 2008 à 2011 un taux d’évolution de + 20%. Mais cette situation n’est pas seulement vraie pour les femmes car le taux de chômage des hommes est passé de 6,5% en 2008 à 8,2% en 2011 (soit une évolution de + 26%). Les femmes ont donc un taux de chômage plus important que les hommes en 2011 mais l’évolution de ce taux est plus importante, entre 2008 et 2011, pour les hommes que pour les femmes. Dans un premier temps, la crise a affecté les emplois des hommes (industrie, bâtiment…) puis ceux des femmes (secteur public, services, santé et éducation). Si on regarde par tranche d’âge, en termes de proportion, le chômage touche plus les jeunes femmes mais en termes d’impact, le chômage est plus fort pour les femmes plus âgées, celles-ci ayant plus de difficultés à retrouver un emploi par la suite.

S’agissant des discriminations, selon le dernier baromètre (janvier 2013) de l’OIT et du Défenseur des Droits sur la perception des discriminations dans le travail, plus de 20% des personnes ayant été victimes de discrimination dans le cadre du travail l’ont été en raison de leur sexe. 24% des agents de la fonction publique discriminés l’ont été en raison de leur grossesse/maternité. C’est 22% pour les salariés du secteur privé. Le taux de victimes de discriminations est plus important chez les femmes (+11 points dans le privé et +8 points dans le public par rapport aux hommes). Comme le signale le baromètre, « le contexte de crise économique et de chômage est perçu massivement (81%) comme un facteur susceptible de favoriser les discriminations ». Il est aussi à noter que les statistiques du Défenseur des Droits montrent une augmentation des réclamations/plaintes pour discriminations en raison de l’état de grossesse et au moment du retour de congé de maternité.

2. La qualité du travail et de l’emploi

Même si la participation des femmes sur le marché du travail a augmenté, des disparités demeurent en termes de condition et de type d’emploi. Les femmes sont en surreprésentation dans les emplois informels, précaires (CDD, contrats aidés, intérim) et les bas salaires. La crise a renforcé cette situation, ces formes d’emploi étant souvent utilisées comme une variable d’ajustement. Avec les contrats précaires, qui souvent leur sont imposés, les femmes risquent, dans de nombreux cas, de voir leur carrière ralentir. D’autant plus que ce sont les femmes les moins qualifiées qui sont le plus concernées par ces schémas de travail, rendant plus difficile leur réinsertion sur le marché du travail. La crise a également affecté les conditions d’emploi dans l’éducation, la santé et l’action sociale, des domaines où les femmes sont surreprésentées.

Autre point central, la question du temps de travail des femmes, également affecté par la crise. Les femmes sont touchées par l’accroissement du sous-emploi avec le temps partiel. Elles sont aujourd’hui 3,7 millions à travailler en temps partiel, soit un tiers de l’emploi féminin . S’ajoute à cela, les réductions supplémentaires de la durée du travail pour les femmes qui sont déjà à temps partiel. Ainsi, les niveaux de salaire, l’accès à la formation et les évolutions de carrière sont directement impactés par ces évolutions.

3. Conséquences des politiques gouvernementales et européennes

Depuis le début de la crise, il ne semble pas que le gouvernement ait pris des décisions relatives aux allocations ou indemnités familiales pouvant impacter de manière significative le taux de participation des femmes au marché de l’emploi (du moins pour l’instant). En 2012, hormis une revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire de 25% (qui n’impacte pas de manière directe l’emploi des femmes), les autres prestations familiales n’ont pas évolué. En France, c’est la Caisse Nationale d’Allocation Familiale (CNAF) qui est essentiellement responsable de ces prestations. Les évolutions de politiques et/ou de budgets sont décidées via des Conventions d’Objectifs et de Gestion (COG) entre l’Etat et la CNAF (des représentants des organisations syndicales sont présents dans le conseil d’administration de la CNAF). Dans le dernier COG, une des priorités porte sur l’accueil des enfants. Il faut toutefois rester vigilant(e)s car les annonces gouvernementales concernant une modification des allocations familiales se multiplient.

Pour ce qui est des mesures d’austérité et réformes des services publics (notamment dans le cadre de la RGPP ), certaines ont eu des conséquences négatives pour la participation des femmes sur le marché du travail. En voici quelques exemples.

Le non–remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux a eu pour conséquence la suppression de 150 000 équivalents temps plein entre 2008 et 2012 dans la fonction publique d’Etat. La santé et l’éducation ont fortement été touchées. Précisons que les femmes sont les principales employées du service public et les principales utilisatrices des services sociaux !

Encore aujourd’hui, ce sont essentiellement les femmes qui assurent les tâches domestiques, parentales ou d’aide aux personnes dépendantes. Les fermetures de classes de maternelle, de centres IVG, de maternités, de centres d’aide aux familles renforcent ainsi les inégalités entre les femmes et les hommes. Les femmes ayant plus de difficultés à articuler vie professionnelle et familiale.

De plus, la réforme sur la dépendance, qui devait tenter de répondre à la question de l’aide aux personnes dépendantes a été reportée en 2014. L’indexation des prestations sociales sur l’inflation a été supprimée en 2011. La réforme des retraites a également renforcé les inégalités entres les femmes et les hommes. En effet, les femmes sont plus loin de la durée de cotisation obligatoire comparées aux hommes. La pension moyenne des femmes est inférieure aux hommes, notamment du fait des interruptions de carrières, du temps partiel pris pour élever les enfants… La pension de retraite des femmes représente 62% de celle des hommes alors que leur salaire moyen représente 80%.

Dans le Programme National de Réforme (PNR) 2012-2014, la question de l’égalité entre les femmes et les hommes au travail est traitée dans la ligne directrice 7 nommée « accroitre la participation des femmes et des hommes au marché du travail, diminuer le chômage structurel et promouvoir la qualité de l’emploi ». Les points qu’y sont traités sur l’égalité professionnelle sont les suivants :

- Loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010, obligeant les entreprises de plus de 50 salariés à avoir un accord collectif sur l’égalité professionnelle ou, à défaut d’accord, un plan d’action. Le programme précise que « ce dispositif vise à améliorer l’insertion professionnelle des femmes et la sécurisation de leurs parcours professionnels, favorisant ainsi leur maintien dans l’emploi ».

- Loi imposant aux sociétés commerciales et aux entreprises publiques un quota de 40% de sièges de femmes ou d’hommes au sein des conseils d’administration dans les 6 ans.

- Loi instaurant un quota de 40% de femmes parmi les hauts fonctionnaires de la fonction publique, d’ici 2018.

- Projet de création de 200 000 solutions de garde d’enfants supplémentaires pour une meilleure conciliation de la vie personnelle et professionnelle.

Précisons également que les organisations syndicales sont consultées sur le PNR (Plan National de Réforme) dans le cadre de leur participation au CESE, le Conseil Economique Social et Environnemental.

Jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement ne réalisait pas d’évaluation des incidences en termes d’égalité entre les femmes et les hommes lors de projets de réforme ou de programmes nationaux. Concernant les textes de loi, une modification a toutefois été apportée avec la circulaire du 23 août 2012 relative à la prise en compte dans la préparation des textes législatifs et réglementaires de leur impact en termes d’égalité entre les femmes et les hommes. Cette circulaire systématise la prise en compte de l’égalité professionnelle et des droits des femmes dans les évaluations préalables des projets de loi. « A chaque fois qu’il y aura lieu », l’étude d’impact accompagnant ces textes traitera aussi du sujet. Selon la circulaire, les projets de loi ne doivent ni porter atteinte aux droits des femmes, ni aggraver les inégalités entre les femmes et les hommes. Si c’est le cas, des mesures correctrices seront prises. L’opportunité d’intégrer des dispositions spécifiques sera également analysée.

4. Dialogue social au niveau national sur l’égalité professionnelle

En juillet 2012, le gouvernement rassemblait les "partenaires sociaux" dans le cadre d’une consultation nationale de grande envergure nommée la « Grande Conférence sociale ». Force Ouvrière y était bien sûr présente et a porté ses revendications relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans une table ronde dédiée au sujet. Depuis, le gouvernement est dans une démarche affichée de dialogue social avec les « partenaires sociaux » sur des questions aussi nombreuses que diverses, multipliant les consultations. Mais, celles-ci tiennent plus souvent d’une volonté d’affichage que d’une réelle prise en compte des revendications, notamment syndicales.

Au-delà du dialogue avec l’Etat, une négociation interprofessionnelle est actuellement en cours sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle femmes-hommes. Toutefois, le gouvernement ne reste jamais très loin. Il ne cesse, depuis le début de cette négociation, par des communications dans la presse et dans les instances de faire pression sur les interlocuteurs sociaux pour voir certains sujets, comme le congé parental d’éducation, intégrés à l’accord final. Son souhait est de pouvoir s’appuyer sur cet accord pour légiférer, du moins sur la question du congé.

Présente dans cette négociation sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, Force Ouvrière y porte ses revendications en la matière. Elles concernent, entre autres, des sujets tels que : l’égalité salariale et la transparence en termes de politique salariale, le déroulement de carrière (avec une volonté de briser le plafond de verre et de continuer à améliorer l’organisation du travail, l’accès à la formation, les incitations et compensations), la question du temps partiel, l’articulation entre la vie personnelle et professionnelle ainsi que la question de la parentalité (garde d’enfants, accès à la formation, congé de paternité, congé parental d’éducation, neutralisation de l’ensemble des congés familiaux en matière d’évolution de la rémunération), la question des stéréotypes… Force Ouvrière réaffirme également le rôle central de la négociation collective de branche et en entreprise pour faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes.

5. L’action de Force Ouvrière pour l’égalité professionnelle

Comme notre congrès l’a encore rappelé, la détermination de Force Ouvrière à poursuivre son combat pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes reste entière, voire renforcée.

Les sujets traités depuis des années par l’organisation comme l’égalité salariale, le temps partiel, l’articulation entre vie privée et vie professionnelle, la parentalité, les stéréotypes, le plafond de verre…sont des sujets plus que jamais d’actualité, et certains sont même, de surcroît, accentués par la crise.

Pour faire entendre sa voix et muscler ses revendications, Force Ouvrière continue de former ses militants à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de communiquer sur le sujet de façon permanente. Chaque année, deux stages dédiés à l’égalité professionnelle sont organisés par l’Institut du Travail de Strasbourg. D’autres outils d’information sont également déployés sur cette question tels que la lettre électronique « FO Egapro », l’épisode 12 des vidéos « Bienvenue dans le monde du travail » intitulé « La différence entre les femmes et les hommes » , un site internet dédié à ces problématiques (http://egalitepro.force-ouvriere.org), une affiche créée chaque année pour le 8 mars et l’organisation de journées conférence/débat destinées aux référent(e)s Egalité. Ces référent(e)s sont présents dans chaque département et fédération pour relayer les revendications de l’organisation en matière d’égalité professionnelle.