Rapport à l’ONU sur le lien entre travail domestique et droit des femmes

, par Claire

Alors que la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes était célébrée le 25 novembre, le travail féminin a été au cœur des discussions aux Nations-Unis, le mois dernier.

Dans un rapport présenté à l’Assemblée générale des Nations-Unies, Mme Magdalena Sepúlveda Carmona, la rapporteuse spéciale sur l’extrême pauvreté et les droits humains faisait pour la première fois explicitement le lien entre travail domestique et droit des femmes. Le premier, auquel est souvent dénié la qualité de « travail » effectif, peine à être reconnu comme un sujet relevant des droits fondamentaux de la personne. Le second en découle : puisque le travail domestique – largement féminin – n’est pas reconnu, il est transparent au regard des droits fondamentaux, et empêche de consacrer pleinement les droits des femmes.

De manière extrême, c’est ce qui ressortait de l’épouvantable meurtre de Rakhi Bhadra, jeune domestique chez un député indien – violentée et humiliée avant de succomber à ces blessures. Non couverte par le droit du travail, et n’ayant aucun moyen de revendiquer l’application des droits fondamentaux, elle était « invisible » à la protection judiciaire.

Dans d’autres pays (comme en France par exemple), le problème prend un tour différent, lié à l’effectivité de l’égalité des droits. En effet, en dépit de l’augmentation du travail féminin, l’implication des femmes dans les tâches domestiques reste supérieure à celui des hommes. Ce dernier, non reconnu, aboutit à une non reconnaissance sociale et économique d’une part significative (voire totale) du travail féminin, à des discriminations et à des inégalités de traitement (taxation, pensions, progression de carrière). Ce sont donc directement leur droit à l’égalité professionnelle, au travail, à la protection sociale, aux congés mais aussi à la participation qui sont bafoués. En pratique, la rapporteuse démontre donc que cette non-reconnaissance du travail domestique s’avère un obstacle significatif dans l’exercice effectif par les femmes, des droits fondamentaux (droits sociaux et droits liés au genre).

De ce constat, elle tire une conclusion : les Etats doivent impérativement reconnaître le travail domestique et l’encadrer solidement d’un point de vue juridique, de manière à ce que les femmes puissent exercer leurs droits. Il en va de l’obligation de respect des conventions internationales par les Etats. Il s’agit d’abord d’obligations « négatives » : la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination oblige par exemple les Etats à prendre toutes les mesures appropriées pour abroger toute norme ou pratique constituant une discrimination à l’égard des femmes. Mais il s’agit aussi d’obligations « positives », c’est-à-dire d’amélioration des conditions de travail des travailleuses domestiques. La rapporteuse souligne ainsi que « les politiques publiques devront envisager les tâches domestiques comme une responsabilité sociale et collective plutôt que comme un problème individuel, et traiter les personnes qui s’acquittent de ces tâches (…) comme des titulaires de droits ». Donc, entre autres, leur attribuer des droits au travail ; car ce que les préjugés culturels ont tissé, le droit peut contribuer à le découdre.

Article tiré de La lettre électronique @ctualités Europe n°16 – décembre 2013