2eme conférence d’UNI FEMMES

, par Claire

Après avoir déjà rencontré les députés européens en 2012, la zone 4 d’Uni Femmes organisait une conférence sur le thème de l’égalité à Strasbourg. Toutes les centrales syndicales de France, Belgique et Luxembourg étaient présentes. La délégation Force Ouvrière était représentée par 20 camarades venant de la FGTA/FO, FO/COM et la FEC/FO. Par ailleurs, plusieurs parlementaires européens ont assisté à cette conférence.

En introduction, Maria Jepsen, directrice du département recherche de l’Institut syndical européen a fait un exposé sur l’impact des crises économiques depuis 2008 sur l’égalité hommes-femmes au sein de l’Union Européenne. Étudier la façon dont la crise a, ou va impacter les femmes, c’est observer sur le marché du travail, l’offre et la demande d’emplois.

Les femmes sont-elles sur le marché du travail « une armée de réserve », que l’on prend et que l’on jette en fonction des besoins, ou sont-elles « moins chères » et donc engagées comme substituts des hommes dans des secteurs moins affectés par la crise ?

Entre 2005 et 2010, l’emploi masculin a diminué de 3 %, alors que celui des femmes est resté stable. En revanche, au niveau du chômage, c’est l’inverse. L’intégration des femmes sur le marché du travail s’est faite par la destruction du travail à plein temps et par la création d’emplois à temps partiel. Cette nouvelle donnée est-elle structurelle ou induite par la crise ? On a pu observer l’évolution de deux indicateurs de 2005 à 2010. Sur celui de la qualité d’emploi, globalement, le salaire en Europe accentue les inégalités au profit des hommes. Le travail atypique non volontaire (temps partiel, CDD…) touche presque exclusivement les femmes. Les compétences et le développement des carrières mettent en avant le maintien de la discrimination.

Le seul point qui semble en équilibre est la représentation collective. En Europe, l’égalité hommes-femmes a progressé. Nous pourrions donc être satisfaits. Mais le constat révèle que c’est par le bas que les inégalités diminuent. De plus, les sondages d’opinion au niveau européen mettent en avant les nouvelles tendances idéologiques qui souhaitent le retour des femmes au domicile et donc vers le travail non rémunéré. Et pour ce qui concerne le dialogue social européen, des accords cadres ont été négociés et sont devenus des directives européennes. Deux exemples : la directive sur le congé parental, qui doit être partagé entre hommes et femmes via des revenus de remplacements corrects, est passé de 3 à 4 mois. Et la directive sur le temps partiel avec mise en place d’un plancher.

L’exposé de Rachel Silvera, économiste, maître de conférences à l’université de Paris Sorbonne, concernait l’impact des politiques économiques et sociales sur l’égalité hommes-femmes. Toutes les politiques actuelles comportent des risques de discrimination indirecte. L’impact de chaque mesure est sexué et aura un effet différent si on est homme ou femme, en fonction du secteur dans lequel on travaille. Il devrait donc y avoir une approche intégrée d’égalité à tous les niveaux.

Dans la nouvelle stratégie Europe 20, il n’y a plus de volonté de réduire les écarts entre hommes et femmes. Il existe uniquement des recommandations pour 13 pays au sein de l’Europe : le risque d’inégalité est accru dans le traitement de la crise avec le développement du temps partiel. L’Allemagne a mis en place des mesures drastiques de modération salariale mais la résultante est une croissance des inégalités et de la segmentation : protection via le chômage partiel avec baisse des cotisations employeurs, développement du temps partiel (45 % des femmes) court et involontaire, des mini-jobs (- de 450 €) sans cotisations, ni impôt. Pour deux tiers des femmes, développement « des jobs à 1 euro » qui ne donnent aucun accès aux droits sociaux et à l’autonomie. Difficulté pour les femmes d’articuler carrière et famille : très faible fécondité des femmes cadres, d’où la remise en cause du congé parental favorable.

La flexibilité à la française a créé une législation sur la sécurisation de l’emploi qui amène une augmentation des temps partiels courts alors qu’il existe un encadrement : 24 heures minimum, avec instauration de nombreuses dérogations (étudiants, emplois à domicile, à la « demande des salariés(es) »…). En revanche, rien sur l’amplitude et les horaires atypiques et majoration des heures supplémentaires qui passent de 25 % à 10 %. Il convient donc de dire que l’inégalité hommes-femmes poursuit son chemin : inégalité des salaires, faibles sécurité d’emploi, inégalité des statuts, ségrégation professionnelle, temps partiel… . C’est donc bien de l’autonomie des femmes dont il est question, car il est trop simpliste de comparer pour une heure de travail ce que gagnent un homme et une femme.

Concernant les retraites, il existe un écart de 39% en moyenne en Europe. Les réformes restrictives européennes en matière de pension ont des effets négatifs pour tous et toutes mais les femmes sont plus impactées en raison de carrières discontinues, de périodes de temps partiel, de salaires plus faibles, de la remise en cause des mécanismes correcteurs et de la diminution ou suppression des avantages liés aux enfants.

Concernant les politiques sociales, les réductions budgétaires ont un double impact sur les femmes, majoritairement représentées dans les emplois publics, c’est elles qui subissent le plus les non-remplacements. Les politiques en faveur de l’égalité sont elles-mêmes touchées : suppression de certaines institutions en charge d’égalité, réduction des budgets des associations et organisations de femmes y compris en charge de l’hébergement d’urgence.

Une seule exception : l’obligation de favoriser la présence de femmes dans les conseils d’administration des grands groupes.

Les échanges ont eu lieu avec les eurodéputé(e)s au travers de ces deux thèmes ainsi que sur un dossier que leur avait remis les membres d’UNI Femmes. Il en est ressorti que les divergences hommes-femmes existent dans tous les pays. Et même si les député(e)s paraissent convaincus de la nécessité de faire évoluer cette situation d’inégalité, aucune mesure n’est en préparation, ni au parlement européen, ni dans les différents États membres en vue d’inventer une autre politique.

Ainsi, malgré les discours rassurants, les organisations syndicales sont les seules de tous les politiques pour mener ce combat. La régression de la femme dans la société a et aura des conséquences pour l’ensemble des salariés. En défendant le droit des femmes, nous défendons aussi la justice sociale et une autre politique pour tous les travailleurs européens. Ce combat qui nous attend est immense et nécessaire si on ne veut pas revenir aux heures les plus sombres de notre histoire.

Article de Martine SAINT-CRICQ