2015/09/16 - Loi relative au dialogue social : une régression pour l’égalité

, par Claire

Définitivement adoptée le 23 juillet 2015, la loi relative au dialogue social et à l’emploi, dite loi « Rebsamen », fait suite à l’échec de la négociation sur la modernisation du dialogue social qui s’est tenue d’octobre 2014 à janvier 2015.

En matière d’égalité, Force Ouvrière considère cette loi comme une régression historique. Point par point, voici les diverses dispositions sur l’égalité professionnelle :

RÈGLES DE PARITÉ - ou plutôt de proportionnalité (articles 7, 8 et 10) :

À partir du 1er janvier 2017, pour chaque collège électoral, les listes de délégués du personnel et des membres du Comité d’entreprise (CE) - titulaires et suppléants - qui comportent plusieurs candidats devront être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes seront composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.

Le non-respect de cette règle entraînera l’annulation de l’élection du nombre d’élus du sexe surreprésenté dépassant la proportion de femmes et d’hommes que la liste de candidats devait respecter.

FO conteste le procédé consistant à annuler a posteriori l’élection des candidats dès lors que l’exigence de proportionnalité n’est pas respectée. Au lieu de sanctions, nous avons proposé des incitations, par exemple sous forme de crédits d’heures supplémentaires. De plus, la proportionnalité pourrait être plus souple et progressive, en évoluant lors du prochain scrutin, de + ou – 30% puis de + ou – 10% à l’échéance suivante.

Il est aussi à noter que les listes de candidats pour la désignation des conseillers prud’homaux devront, pour chaque conseil et chaque organisation, comporter un nombre égal de femmes et d’hommes, présentés alternativement.

Enfin, concernant les administrateurs représentant les salariés dans les conseils d’administration, les directoires et les conseils de surveillance des sociétés anonymes, la parité doit être respectée. Lorsque le comité de groupe, le comité central d’entreprise ou le comité d’entreprise désignent deux administrateurs, ils devront désigner une femme et un homme.

RAPPORT DE SITUATION COMPARÉE (RSC) (article 18) :

Le Rapport de situation comparée (RSC) en tant que rapport spécifique est supprimé (suppression des articles L.2323-47 et L.2323-57 du Code du travail). Certains de ses éléments seront intégrés à la base de données économique et sociale (BDES) créée par la loi relative à la sécurisation de l’emploi de juin 2013.

Les éléments relatifs à l’égalité professionnelle devant figurer dans cette base sont ainsi précisés : « diagnostic et analyse de la situation respective des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle, analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l’âge, de la qualification et de l’ancienneté, évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l’entreprise ».

Pour FO, l’analyse du rapport de situation comparée est fondamentale pour détecter les écarts et comprendre les causes des inégalités professionnelles. Elle constitue ainsi un point de départ pour construire un accord sur l’égalité concret et efficace. Disperser les données du RSC dans la BDES rend difficile son utilisation. Il apparait alors primordial de le conserver comme un rapport spécifique.

Autre disposition : la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi devra, entre autres, porter sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. En vue de cette consultation, l’employeur mettra à la disposition du CE les informations et les indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise, prévus dans la BDES, ainsi que l’accord ou, à défaut, le plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle.

De plus, dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, le CE peut recourir à un expert technique en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle.

Ces dispositions s’appliqueront à compter du 1er janvier 2016.

REGROUPEMENT DES NÉGOCIATIONS (article 19) :

L’égalité comme négociation spécifique disparait. Désormais, l’employeur devra négocier tous les ans sur l’« égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail ». Lorsqu’un accord est signé, l’obligation devient triennale ou quinquennale (voir plus loin). Cette négociation porte sur :

• l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour les salariés ;

• les objectifs et les mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière de suppression des écarts de rémunération, d’accès à l’emploi, de formation professionnelle, de déroulement de carrière et de promotion professionnelle, de conditions de travail et d’emploi, en particulier pour les salariés à temps partiel, et de mixité des emplois. Cette négociation s’appuie sur les données relatives à l’égalité contenues dans la BDES.

• Les mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d’emploi et d’accès à la formation professionnelle ;

• les mesures relatives à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ;

• Les modalités de définition d’un régime de prévoyance ;

• l’exercice du droit d’expression directe et collective des salariés.

La prévention de la pénibilité pourra également faire partie des thèmes intégrés à cette négociation.

Il est stipulé qu’en l’absence d’accord prévoyant les mesures sur l’égalité, l’employeur établit un plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle.

Parallèlement, le suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes est maintenu dans la négociation annuelle traitant, entre autres, des salaires. En l’absence d’accord sur l’égalité, la NAO programme ces mesures.

Les entreprises qui sont aujourd’hui couvertes par un accord relatif à la conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle, à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, aux mesures de lutte contre les discriminations ou à l’emploi des travailleurs handicapés ne sont soumises aux obligations de négocier sur ces thèmes dans les conditions prévues par la loi qu’à l’expiration de cet accord, et au plus tard à compter du 31 décembre 2018.

Force Ouvrière rejette ces dispositions : la fusion de plusieurs négociations, l’abandon de négociations distinctes sur l’égalité professionnelle, le handicap … L’égalité professionnelle doit rester un thème à part entière de négociation. En effet, s’il devient un seul chapitre d’une grande négociation sur la qualité de vie au travail, il risque de s’y noyer et de n’être traité que partiellement. Cette fusion de négociation affaiblit la négociation sur l’égalité. D’autant plus qu’on ne sait pas comment la sanction financière va désormais s’appliquer…

PÉRIODICITÉ DES NÉGOCIATIONS (article 19) :

Par accord majoritaire, l’obligation de renégocier l’accord sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail peut devenir quinquennale.

Pour FO, le risque est de voir des sujets importants comme l’égalité être négociés moins souvent alors qu’ils nécessitent une remise à jour régulière des dispositions notamment au vue des évolutions et améliorations qui peuvent exister dans l’entreprise. Donc, en plus de noyer le sujet de l’égalité dans la QVT on veut le laisser le plus longtemps possible dans un placard.

AGISSEMENTS SEXISTES (article 20) :

Un article insère dans le Code du travail la notion d’agissement sexiste. Il est rédigé ainsi « nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».


Depuis le début, FO a exprimé ses inquiétudes sur le projet de loi, tant devant la délégation aux droits des femmes du Sénat que lors du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP).

Saisi en urgence, ce dernier a d’ailleurs rendu un avis très réservé. Après avoir unanimement déploré une saisine tardive, les membres du CSEP ont formulé leurs inquiétudes voire, pour certains comme FO, condamné le texte. FO a rappelé que l’ANI de juin 2013 sur la qualité de vie au travail (QVT), que nous avons refusé de signer, avait posé le principe de l’expérimentation d’une fusion des négociations. Notre organisation s’était déjà opposée à cette fusion au motif qu’il n’était pas question de « faire son marché » dans les obligations inscrites dans le Code du travail. En aucune manière, il ne saurait s’agir, sous couvert de simplification, de substituer aux différentes négociations obligatoires une démarche de type RSE, avec le risque de diluer le sujet et les obligations au sein des entreprises.

FO s’était également alarmée de la disparition potentielle de la pénalité infligée aux entreprises en cas de manquement à l’obligation de négocier sur l’égalité. Le maintien de cette sanction est une nécessité. Il semblerait qu’elle soit, pour l’instant, épargnée mais nous n’avons pas de visibilité sur les modalités de son application future.