Entretien égalité pro : France SPONEM PEREZ

, par Claire

Entretien réalisé par Laurine EUGENIE, publié dans "La Lettre Egapro" n°7 de la FNEM-FO (mars 2014).

France SPONEM PEREZ a débuté son parcours syndical comme déléguée syndicale FO à Nîmes, puis comme déléguée syndicale nationale à la Société Générale.

Elle travaille depuis plusieurs années à la Confédération FO, où elle traite des questions d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. À ce titre, elle participe au comité des femmes de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), dont elle sera vice-présidente, puis présidente le 8 octobre 2013.

C’est à ce titre que FO Énergie et Mines a interviewé cette militante de toujours.

Quels ont été, ces dernières années vos engagements et mandats, en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ?

FSP : Mon parcours syndical a toujours été dicté par une véritable envie de défendre les intérêts des salariés, au-delà des mandats de terrain ou des désignations de la confédération : participation aux travaux de l’ONU en matière d’égalité et différentes conférences dédiées à l’égalité professionnelle ; la dernière étant la conférence des femmes de la Confédération Syndicale Internationale (CSI) à Dakar (en savoir plus).

Quelle synthèse feriez-vous de ces années de militantisme ?

FSP : Ce que je retiendrai de mes années de militantisme sera essentiellement l’ouverture vers les autres. Mes différents mandats à la CSI et à la CES m’ont permis de nouer des liens humains et de m’ouvrir à d’autres cultures, en essayant de comprendre leurs points de vue. Ma plus grande déception reste que, malgré les législations et les luttes de femmes, l’égalité n’est pas encore une réalité. La crise européenne laisse présager des atteintes contre les droits des femmes durement acquis.

Quelles sont vos missions en tant que Présidente du Comité des femmes de la CES ?

FSP : La CES dans sa stratégie a adopté un plan d’action pour les années 2011 – 2015 qui :

- porte sur la place des femmes dans le marché du travail et dans les syndicats,
- inclut la dimension de genre dans tous les actes politiques,
- lors des enquêtes annuelles du 8 mars, suit les mesures prises par les affiliés en faveur de l’égalité.

La Charte pour l’intégration de la dimension de genre doit initier des mesures spécifiques sur :

- la conciliation vie professionnelle, vie familiale, vie privée,
- le traitement égal des femmes et des hommes engagés dans une activité indépendante,
- l’amélioration de l’équilibre femmes-hommes dans les syndicats, les affiliés continuant d’améliorer l’égalité des sexes dans leurs structures.

Selon la CES, quelles grandes thématiques devraient nécessairement être harmonisées au niveau européen ? L’UE joue-t-elle un rôle suffisant ou bien déjà trop important sur ce thème ?

FSP : L’Union européenne a joué un rôle essentiel en matière d’égalité professionnelle. Celle-ci tient une place importante dans tous les Traités de l’Union Européenne. Les premières directives pour l’égalité salariale et l’égalité de traitement datent du milieu des années 70 ; ce qui a permis nombre de lois dans les pays européens, même si la situation en Europe n’est pas linéaire.

La place des femmes reste donc un enjeu majeur pour la CES et le comité des femmes : lutter contre toutes les formes de discriminations dans tous les domaines de la vie, notamment par le renforcement des services publics, du marché de l’emploi, des systèmes éducatifs et de formation, qui encouragent l’égalité.

Peut-on soutenir que dans nos sociétés le principe masculin domine encore le principe féminin ?

FSP : Oui, cela tient essentiellement à l’histoire de notre pays où les femmes ont longtemps été considérées comme des êtres « mineurs » et, plus récemment, dont le salaire a été considéré comme un salaire d’appoint. Les stéréotypes de genre restent une réalité. L’orientation des filles vers certains métiers ne leur assure pas une évolution de carrière égale aux hommes.

FO, dès les années 80, avait d’ailleurs demandé une formation spécifique à l’égalité pour les conseillers d’orientation.

À votre avis, comment changer les mentalités ?

FSP : On pourra changer les mentalités en agissant sur les stéréotypes en prouvant que les femmes peuvent aborder des métiers qui jusqu’alors étaient réservés aux hommes, surtout du fait de la « force physique ». L‘amélioration des matériels permet aux femmes d’aborder d’autres métiers (elles peuvent être routières, conductrices de bus…).

Que pensez-vous de la journée internationale des droits des femmes ?

FSP : Je pourrais souhaiter qu’on privilégie l’égalité toute l’année, mais je reste favorable au 8 mars, qui reste une journée où la société parle de la situation des femmes dans tous ses aspects : emploi, salaire et conditions des femmes.

Les femmes sont-elles davantage touchées par la crise ? Pourquoi ?

FSP : Les hommes ont été plus touchés par les licenciements depuis le début de la crise du fait de la structuration de l’emploi, car ils sont concentrés dans les filières industrielles. Mais, malgré leur réussite estudiantine, les femmes restent fortement affectées dans des emplois précaires (temps partiel subi, CDD, intérim…).

L’inégalité salariale reste un enjeu majeur : en Europe, elle est de 17 % et de 5 à 31 % selon les États. Les familles monoparentales, dont le chef de famille est le plus souvent une femme, sont frappées de plein fouet par la crise et augmentent de fait les chiffres de la pauvreté des femmes.

Les réformes des retraites qui se succèdent sont-elles égalitaires ?

FSP : Les différentes réformes en matière de retraite n’abordent pas suffisamment les conditions précaires de l’emploi des femmes d’où la différence entre les retraites des hommes et des femmes. Cela laisse supposer un accroissement de la pauvreté pour les retraitées.

Selon vous, le temps de l’entreprise est-il masculin ?

FSP : En règle générale oui, car les réunions sont encore trop souvent programmées en fin d’après-midi, les formations encore souvent loin du domicile. Les postes à responsabilités sont majoritairement occupés par des hommes. La loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 sur la place des femmes dans les conseils d’administration est censée donner une visualité des femmes pouvant occuper ces postes jusqu’alors réservés aux hommes. Nous savons que cela ne résoudra pas une véritable initiative en faveur de l’égalité qui passe d’abord par l’égalité de traitement pour toutes les femmes.

Que pensez-vous de l’intériorisation par les femmes du « ce n’est pas pour moi » ? Comment aider les femmes à s’en émanciper ?

FSP : Les jeunes femmes tiennent souvent compte de leurs souhaits personnels en matière de responsabilités familiales pour s’interdire certains postes. Cette intériorité est très souvent liée à l’environnement sociétal.

Comment réagir face aux remarques désobligeantes et bien souvent sexistes ?

FSP : Dès la première remarque, les femmes doivent faire comprendre qu’elles ne toléreront aucune réflexion désobligeante. Le respect fait partie des conditions de travail. Il faut rappeler à l’auteur des propos que la discrimination sexuelle, raciale et la lutte contre toutes les formes de discriminations restent un enjeu essentiel pour des relations de travail saines.

Le droit suffit-il à rétablir l’égalité entre les femmes et les hommes ?

FSP : Non, la meilleure preuve en est que la France a un arsenal judiciaire et législatif non négligeable ; malgré cela, on connaît toujours des inégalités importantes dans notre pays.

Que pensez-vous des quotas ?

FSP : FO n’est pas favorable aux quotas, mais reste en faveur de mesures qui permettent d’aller vers une réelle égalité professionnelle.

Comment lutter contre le plafond et les parois de verre qui pénalisent les femmes dans leur parcours professionnel ?

FSP : Il faut agir sur différents axes : formation initiale, orientation, formation professionnelle et conciliation vie privée/vie familiale et vie professionnelle.

FO Énergie et Mines a constaté que, dans certaines entreprises des Industries Électriques et Gazières, les hommes à temps partiel sont encore plus discriminés en matière de promotions salariales et d’accès à la formation que les femmes.

Est-ce une preuve que la société est encore loin d’accepter qu’ils s’investissent dans la parentalité ?

FSP : Il est certain que l’élément sociétal joue un rôle non négligeable, en laissant croire que les responsabilités parentales sont réservées aux femmes et en laissant sous-entendre que lorsqu’un homme souhaite s’occuper de ses enfants « il n’aurait pas d’ambition ». Ceci est en train d’évoluer grâce à l’investissement d’employeurs qui essaient de donner une autre image de la parentalité. Mais la société évolue lentement et les hommes qui s’investissent en faveur de l’égalité sont essentiels pour faire évoluer les mentalités.

Que pensez-vous de la répartition des tâches parentales et des tâches domestiques ?

FSP : En ce qui concerne la responsabilité parentale, il faut donner la possibilité aux pères de pouvoir s’occuper de leurs enfants. Le congé de paternité n’est pas toujours pris en totalité par les jeunes pères, souvent du fait de la pression au sein des entreprises. Il est bien que les pères aient la possibilité de prendre une partie du congé parental. Cette évolution du projet de loi français provient essentiellement de la Directive sur le congé parental.

L’égalité ne doit pas être réservée aux seules femmes, elle doit être investie par tous, les femmes et les hommes. Une société est le résultat de « deux visages » une femme et un homme qui, ensemble, doivent intégrer l’égalité au quotidien dans toutes leurs revendications. Ce n’est pas seulement une question de dignité, mais c’est aussi une question économique et d’avenir.

Comment garantir l’avenir d’une société si elle ne marche que sur une seule jambe ?

Aujourd’hui, alors que la crise frappe de plein fouet le monde du travail, le salaire des femmes n’est plus un salaire d’appoint et les femmes doivent pouvoir prendre toute leur place dans la société.

Une véritable initiative en faveur de l’égalité passe d’abord par l’égalité de traitement pour toutes les femmes.

Propos recueillis par Laurine EUGENIE

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