Les salarié(e)s aidants : acteurs de la solidarité

, par Claire

Acteurs de la solidarité, les salariés aidants sont près de 4 millions en France (15% des salariés) et ne vont cesser de croitre dans les prochaines années.

Le vieillissement de la population et la baisse de l’espérance de vie en bonne santé* couplés à un allongement de la durée de cotisation vont inévitablement entrainer une augmentation de leur nombre. Aux salariés aidants un proche ou un parent âgé s’ajoutent tous ceux qui s’occupent, de manière plus ou moins régulière, d’une personne ou d’un enfant en situation de handicap, souffrant d’une maladie chronique lourde ou en fin de vie.

Mais ces aidants, dont l’action est complémentaire à l’intervention de professionnels du soin et de l’accompagnement à domicile, sont parfois confrontés à des insuffisances de prise en charge par la collectivité. En effet, depuis quelques années, on assiste à un désengagement de l’État, notamment sur les questions de dépendance.

Selon l’INSEE, en 2020, au moins 37 000 emplois supplémentaires annuels seront nécessaires pour répondre aux besoins des personnes âgées dépendantes. Si l’État poursuit la politique d’austérité et de réduction des effectifs publics engagée, il appartiendra aux aidants de compenser seuls ce manque de services publics. Quitte à mettre leur vie privée et professionnelle entre parenthèses, voire à négliger leur propre santé.

Parce que l’État refuse d’assumer sa responsabilité, il ne faudrait pas qu’on assiste à un glissement de la solidarité collective vers une solidarité individuelle et familiale, alors que les deux doivent rester complémentaires. D’autant que la solidarité familiale ne peut pas toujours opérer : qu’en est-il des personnes seules ? Des personnes isolées géographiquement ?...

Pour Force Ouvrière, la prise en charge de la dépendance relève des pouvoirs publics et non des individus, trop souvent démunis face à ces problématiques. Stress, isolement, rupture avec le travail, problèmes financiers… sont autant de risques auxquels sont confrontés les aidants surtout s’ils doivent assumer seuls ce rôle. Par conséquent, il est indispensable qu’une véritable politique publique pour la prise en charge de la perte d’autonomie soit menée.

Pourtant, la loi sur l’autonomie ne cesse d’être reportée alors que d’urgentes évolutions sont nécessaires : augmenter les montants de l’APA, réviser le mode de revalorisation des plans d’aide à domicile, diminuer les « restes à charge » trop élevés des personnes prises en charge à domicile ou en établissement, adapter les logements, et bien sûr reconnaître la place et le rôle des aidants familiaux. Mais attention, cette reconnaissance ne doit pas servir à pallier les insuffisances de prise en charge par la collectivité et le manque de structures.

Au-delà de ces constats, la question des aidants interroge aussi les politiques d’égalité professionnelle et de lutte contre les stéréotypes car 75% des aidants sont des femmes. Comme pour les contraintes liées à la parentalité et les tâches domestiques, le déséquilibre de participation entre femmes et hommes est très important. D’autant qu’un aidant sur 4 occupant une activité professionnelle s’est vu contraint de prendre des congés pour assurer ce rôle et que 11% d’entre eux ont dû recourir à des aménagements de la vie professionnelle, tels que le changement d’horaires ou le télétravail. Il est donc impératif de s’assurer que le fait d’être aidant ne soit pas facteur de discrimination et n’ait pas de conséquence néfaste sur la carrière, le salaire, la retraite…

De plus en plus d’entreprises se saisissent du sujet et mènent des initiatives pour accompagner les salariés aidants et leur permettre de concilier au mieux leur rôle d’aidants avec leur activité professionnelle. À travers cette note, FO souhaite toutefois alerter sur d’éventuels risques. Des précautions sont parfois à prendre et des garanties à obtenir, notamment dans le cadre du dialogue social.

Les solutions proposées en entreprise

D’une manière générale, FO est favorable pour qu’une attention particulière soit portée à la situation et aux besoins des aidants familiaux et proches aidants. Mais il ne doit pas s’agir de les « professionnaliser » pour pallier le manque de vrais professionnels. Force Ouvrière considère néanmoins nécessaire de leur apporter des aides, des soutiens et des conseils dans l’accomplissement de leurs tâches, voire de développer l’accès à des structures de répit. Pour les salariés aidants, FO revendique un aménagement des conditions et du temps de travail ainsi que la création d’une allocation de compensation dans le cadre d’une négociation interprofessionnelle.

Dans l’accord d’application n°14 de l’assurance chômage, FO a par ailleurs obtenu l’ouverture des droits au chômage pour les salariés rompant leur contrat de travail pour suivre un enfant handicapé admis dans une structure d’accueil dont l’éloignement entraîne un changement de résidence.

Pour ce qui est de la prise de congés longs (congé de soutien familial, de présence parentale…), il est important pour le salarié de ne pas s’éloigner de façon importante de l’entreprise. Dans l’idéal, il faut organiser un suivi pendant cette période, maintenir le lien avec l’entreprise et programmer des entretiens avant, pendant et au retour avec l’employeur ou le manager.

Le rôle du dialogue social

Sur la question des salariés aidants, le dialogue social à toute son importance en entreprise. De nombreux accords peuvent prendre en compte ces situations et obtenir des droits et garanties dans l’intérêt des aidants : accords sur l’articulation des temps, le handicap, le télétravail, l’égalité professionnelle… Sur ces sujets, comme sur beaucoup d’autres, il est fondamental de prioriser l’accord à un plan d’action unilatéral de l’employeur. L’objectif est bien sûr d’avoir une démarche collective, juste et applicable à tous les salariés aidants.

Le don de congés

On observe d’ores et déjà quelques initiatives d’entreprises mettant en place, souvent dans le cadre d’un accord collectif, le don de congés afin de répondre aux besoins des salariés aidants.

Et, depuis le 9 mai 2014, la loi permet le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade. Pour résumer, ce dispositif permet à tous les salariés, de toutes les entreprises, peu importe leur effectif et leur secteur d’activité, de faire don de jours de repos sous réserve de l’accord de l’employeur (qui se doit de veiller à la santé et à la sécurité du donateur). Il peut s’agir de tous les types de jours de repos (RTT, journées offertes par l’entreprise, jours de récupération, congés payés). Il n’existe qu’une seule limite qui se justifie par la protection de la santé du salarié donateur, ce dernier ne pourra, s’agissant du don de congés payés annuels, ne céder que les jours lui restant à prendre au-delà du 24ème.

Pour bénéficier de ce don, le salarié, qui assume la charge d’un enfant de moins de 20 ans atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants, n’aura qu’à justifier de la réalité de sa situation par un certificat médical détaillé établi par le médecin qui suit l’enfant.

Néanmoins, cette solidarité entre salariés permet plus regrettablement de ne pas faire appel à celle d’autres acteurs, et notamment, à celle de l’employeur. N’est-ce pas toujours auprès des mêmes que l’effort de solidarité est sollicité ?

De plus, il faut être extrêmement vigilant à ce que les salariés ne subissent aucune pression de leur direction les contraignant à renoncer à leurs jours de congés, et que le principe de l’anonymat du donateur sera suffisamment effectif pour que ce dernier ne se heurte à d’éventuelles pressions des salariés de l’entreprise.

Le télétravail

Le télétravail fait également partie des solutions proposées pour répondre aux contraintes de conciliation des temps des aidants. Mais attention, Force Ouvrière estime que des garde-fous sont nécessaires (ils doivent être actés par accord collectif) afin que le télétravailleur reste un salarié à part entière et non pas entièrement à part :

• Le télétravail doit se faire sur la base du volontariat.
• La vie privée du salarié doit être respectée.
• Le télétravailleur bénéficie de toutes les garanties collectives de la Convention Collective Nationale à laquelle est soumise son entreprise.
• La législation concernant la durée du travail (temps de travail, heures supplémentaires, travail du dimanche ou des jours fériés, travail de nuit…) et les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité doit être strictement respectée.
• Le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination doit s’appliquer au télétravailleur par rapport aux salariés qui ne sont pas en télétravail.
• Les formules mixtes de type pendulaire (temps partagé entre l’entreprise et hors entreprise, à domicile) doivent être la forme de télétravail à privilégier.
• Le télétravail doit se faire sur un nombre de jours réduit par semaine, le salarié devant toujours garder son poste physique (bureau, équipement) dans l’entreprise et le lien avec le collectif de travail.
• Le salarié ne doit pas être isolé de l’entreprise (désignation d’un référent dans l’entreprise qui lui apporte soutien et assistance et assure la coordination entre le télétravailleur et l’entreprise, le tient informé…).
• Les moyens en terme de droit syndical (information des DS, DP, CE) doivent être mis à disposition.
• L’équipement et le matériel sont mis à disposition par l’employeur, l’entretien et les assurances sont à sa charge.

* Selon l’INSEE, l’espérance de vie en bonne santé est passée de 62,8 ans en 2006 à 61,8 en 2011 pour les hommes et de 64,4 ans à 63,5 pour les femmes, en France.